Vitraux de l'église St Martin - St Saulve

Suite à l'anniversaire des 150 ans de l'ouverture de l'église St Martin de St Saulve, découvrez la beauté des vitraux. Une étude de Marie-Louise Cuvelier

Vitraux de l’église St-Martin de St-Saulve

 

L’église St-Martin présente une grande unité de conception et de construction, une cohérence iconographique rare. En général, les donateurs financent tel ou tel vitrail ; les maîtres-verriers changent. Ici, tout est unique

Un seul financeur, pour l’église comme pour les vitraux : Edouard et Mélanie Hamoir.

Un seul fil conducteur : la mort d’Albert et Abel, les deux fils et seuls enfants des Hamoir, et le chagrin des parents qui, après la mort de leurs enfants, consacrent leur immense fortune à la construction de l’église et à des œuvres charitables. 

Un seul maître-verrier : Laurent Maréchal. 

La conséquence en est l’homogénéité des thèmes, de la fabrication des vitraux et des rapports entre la lumière et la couleur des verrières. 

 

Laurent Maréchal (Laurent Maréchal est né à Metz en 1801 et décédé à Bar-le-Duc en 1887) est un artiste romantique, pastelliste, influencé par Delacroix, une figure majeure de la scène artistique du XIXe. Les arts appliqués sont en plein essor ; il se consacre au vitrail. Il deviendra le chef de file de l’école de Metz. Très célèbre à son époque, on lui doit les grandes églises de Metz, un vitrail au château de Fontainebleau, la sacristie de N. D. de Paris…

 

Un maître-verrier doit se plier à deux exigences : 

-tenir compte du potentiel lumineux de l’église, et de l’architecture ajourée.  

-respecter la signification, le sens, la symbolique du vitrail. 

 

Il y a aussi des impératifs de « protocole », des exigences iconographiques précises : Jésus, Marie et le saint titulaire de l’église doivent être au centre. 

Pour St-Martin, Laurent Maréchal a un peu bousculé ces exigences selon les vœux des Hamoir. 

 

A noter l’importance des rouges et des bleus, couleurs du Moyen-Âge (l’église est de style néo-gothique), mais aussi couleurs symboles du ciel pour le bleu et du martyre pour le rouge.  

Les grisailles sont très sobres, mais la sobriété n’exclut pas la recherche et la beauté. Les nuances de couleur des grisailles laissent passer la lumière de manière différente et donnent plus ou moins d’éclairage. Leur neutralité met en relief la beauté et la couleur des autres vitraux. 

 

Les rosaces, symétriques, se répondent ; cependant, elles n’ont pas tout à fait le même dessin. De plus les rouges dominent dans l’une, les bleus dans l’autre. La couleur est voulue par l’heure à laquelle le vitrail est éclairé. Comme dans les grisailles, il y a de la recherche dans le dessin. 

 

Pour bien admirer les détails des vitraux, il faut se munir de jumelles. Ainsi, on peut remarquer, par exemple, que les ornements des auréoles représentent en réalité le nom du saint. 

 

Vitraux au-dessus de l’autel 

Nativité

Nativité très dépouillée, loin des images d’Epinal de la tradition. On va à l’essentiel. 

Jésus porte déjà l’auréole crucifère (porteuse de croix)  qui le symbolise. 

Ses parents, agenouillés, en prière, ont une auréole qui porte leur nom. Celle de Marie porte l’inscription « Sancta Mater Dei ». 

Trois anges veillent sur Jésus ; on aperçoit une aile au-dessus de la tête de Marie. 

On ne voit ni bergers, ni mages. Pas de bergers ; donc pas de moutons. Pas de bœuf non plus. Ils font partie de la tradition orale et ne sont pas indispensables ici où tout est centré sur Jésus. 

La tête d’un âne apparait, timidement, entre Marie et Joseph (Curiosité amusante : lors de la Nativité, Joseph a les cheveux blancs. Lors de l’épisode de Jésus au temple avec les docteurs de la Loi, il a les cheveux noirs. Il n’a pourtant pas rajeuni. Est-ce une faute d’un élève de Laurent Maréchal ?). L’âne, animal humble, bête de somme, serviteur sûr, a porté Marie jusqu’à Bethléem comme il la portera avec Jésus lors de la fuite en Egypte. Il portera Jésus lorsque celui-ci montera vers Jérusalem avant la Passion. Il mérite sa place ici : on le retrouve au début et à la fin de la vie de Jésus. 

 

Ascension

Jésus se tient dans une mandorle ; il n’est plus de ce monde, il n’est pas encore près de son Père ; il « passe de ce monde à son Père ». 

La mandorle a plus d’importance et plus de signification que l’auréole ou la gloire (le nimbe). Elle est l’intersection de deux cercles, or le cercle symbolise la perfection et l’éternité ; il n’a ni début ni fin. La mandorle, symbole de passage, de chemin à franchir, entoure ici Jésus, chemin par lequel il faut passer pour aller de la terre jusqu’au ciel, de ce monde jusqu’au Père : Jésus. (« Je suis le chemin…).

 

Jésus, les pieds sur la nue, bénissant, ouvre les mains. Elles portent les stigmates de la crucifixion, de même que son pied droit. Le gauche n’est pas visible.

Jésus est accompagné des quatre premiers disciples qu’il a appelés : André et Pierre, en bas à droite et Jacques et Jean, en bas à gauche. Ce vitrail relie ainsi le début et la fin de la vie publique de Jésus. 

 

Jésus au temple avec les docteurs

Jésus est encore un enfant. Il en porte la robe. 

Les docteurs sont très perplexes devant ce gamin qui leur tient, avec beaucoup d’assurance, des discours auxquels ils ne comprennent pas grand-chose et qui les dérangent. 

A l’arrière-plan, Marie et Joseph, apparemment intimidés, semblent tout aussi perplexes. Eux non plus ne comprennent pas ce qui passe et s’inquiètent. 

 

Dans le chœur : 

Côté sud : St Edouard. Côté nord, Ste Mélanie lui fait face. 

Edouard le Confesseur, mort en 1066, roi d’Angleterre, vêtu d’hermine, porte le sceptre et le globe terrestre, symbole du pouvoir royal / impérial. Le roi était le représentant de Dieu sur terre. La croix sur le globe souligne la  prééminence de l’Eglise sur le pouvoir royal, du spirituel sur le temporel.

Le médaillon en bas du vitrail représente Edouard Hamoir, visage grave, sévère, en habits de deuil. Il est précisé qu’Edouard Hamoir est « fondateur de l’église St-Saulve » en 1860 (dernier chiffre ?). Il a été maire de Saint-Saulve ; par ce vitrail, il souligne sa soumission à Dieu. 

 

Mélanie la Jeune (IVe – Ve siècles) ou Mélanie l’Ancienne ? L’une et l’autre, grand-mère et petite-fille,  ont perdu deux enfants en bas âge ou très jeunes. Après la mort de leurs fils, Mélanie la Jeune et son mari, qui n’avaient pas d’autres enfants, ont vendu tous leurs biens ; le profit est allé à des églises et monastères. Veuve, elle fonde une abbaye d’hommes et une abbaye de femmes. 

Le parallèle avec madame Hamoir semble d’autant plus évident que madame Hamoir porte la  maquette de l’asile St-Abel. Elle a financé cet « asile » qui accueillait les enfants en bas âge dont les mères travaillaient. Mélanie la Jeune, fille d’une riche famille de l’aristocratie romaine,   était l’héritière de l’une des plus grosses fortunes de l’empire romain, ce que soulignent ses vêtements. Madame Hamoir venait d’une famille belge de Morlanwez (Entre Mons et Charleroi) qui avait des intérêts dans les charbonnages, la batiste, de la banque… 

 

Vitraux  du transept

Côté sud : St Saulve et son taureau côtoient St Martin.

Pour St Saulve, il faut se reporter à son hagiographie. Il porte la hache de son martyre, sa mitre et sa crosse d’évêque. Sa bague rappelle la richesse de ses ornements sacerdotaux et des objets du culte qu’il a utilisés pour célébrer sa dernière messe. Ses pieds reposent sur la tête du taureau aux cornes éclairées qui ont permis de retrouver sa tombe. 

 

St Martin lui aussi porte la mitre et la crosse. Il a les mains jointes et les yeux clos. Est-il en prière ou est-ce une représentation de gisant ? Les gisants étaient, couchés, semblables à des personnes debout : les plis des vêtements ne retombaient comme ils l’auraient dû sur une personne allongée. 

 

Saint Saulve et Saint Martin portent l’étole.

 

Côté nord : St Abel et St Albert, saints patrons des fils Hamoir.

Tous les deux sont représentés avec un livre, comme les pères de l’Eglise et comme tous les saints qui se sont consacrés à l’étude. Tous les deux mitrés.

 

St Abel de Lobbes (Entre Mons et Charleroi au sud de Morlanwez), mort en 751 était irlandais ou écossais. Il était probablement l’un des évêques missionnaires venus évangéliser la région. Moine à Lobbes, il est nommé évêque de Reims par Pépin le Bref, sans doute contre sa volonté. Incapable de faire face à cette charge, il démissionna trois ans plus tard et se retira dans son monastère  où il put de nouveau se consacrer à l’étude des Ecritures et textes sacrés. Est-ce pour cela qu’il est représenté ici avec un livre ouvert ? 

Il est représenté avec le pallium sur l’un des vitraux de la basilique St-Rémi de Reims. 

 

Saint Albert de Liège (vers 1166 à Louvain – 1194 Reims)  fut prince-évêque, cardinal, abbé de Lobbes. Consacré évêque à Reims, il y sera assassiné à cause de sa fidélité à l’Eglise apostolique, catholique et romaine. Prince-évêque et martyr, est-ce pour cela qu’il porte le pallium dont le port, sur la chasuble pour célébrer la messe, est réservé au pape, aux archevêques métropolitains et à quelques rares évêques ? 

 

On peut supposer, mais rien ne le prouve, qu’avoir doté Abel et Albert du pallium alors que Saulve et Martin ne le portent pas est un hommage supplémentaire aux deux fils défunts. 

 

A l’origine, l’église portait le triple vocable de St-Albert – St-Saulve – St-Martin mais n’était connue / présentée que sous le nom de St-Albert. L’usage a repris le nom de St-Martin. 

 

Marie-Louise Cuvelier

Article publié par humble serviteur • Publié le Lundi 01 mai 2017 • 3871 visites

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